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Bonjour à tous,

J'ai ouvert ce blog pour vous permettre de réagir aux lectures de nos ouvrages. Les auteurs vous répondront avec plaisir en fonction de leur emploi du temps, laissez-leur un commentaire.

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29 juillet 2011 5 29 /07 /juillet /2011 05:26

(titre emprunté à Freud: Das unbehagen in der Kultur)

TourmenteLes images se télescopent pour former une bouillie qui laisse un goût d’amertume. Tsunami au Japon, mort de Ben Laden, DSK en boucle, Bettencourt et consorts, raids en Lybie, répression sans écho en Syrie, famine dans la corne de l’Afrique, la Grèce exsangue, la tuerie d’Oslo. Les chiffres donnent le tournis, dix mille morts et disparus au Japon, location à 50 000€ mensuel, dons d’une milliardaire d‘1million d’euro à l’un, 160 millions à un autre, 600 à un autre encore, dette de 35 millions au fisc, 50 millions d’euro pour la guerre en Lybie, un dictateur accueilli en grande pompe et voué aux gémonies quelques mois plus tard, 1200 victimes d’un dictateur en Syrie, 500 000 réfugiés de la faim au Kenya, 170 milliards d’euros pour éviter une faillite d’un pays, réduction drastique de l’aide alimentaire et au logement chez nous, massacre en Norvège. Et puis, pour saupoudrer d’incompréhension notre nausée, des annonces de viols, de meurtres d’enfants, d’agressions gratuites.
Le texte de Freud (déposé en novembre 1929 chez l’imprimeur) avait la couleur du temps: haine, agression, autodestruction. Là, trop de religion qui invite à détruire l’autre, le mécréant ou l’autre religion. Ici, plus assez de sens du sacré, c’est à dire la perte du sentiment d’appartenance à une forme d’idéal d’un groupe. Je ne peux m’empêcher de penser que le diagnostic de Régis Debray est juste: «Si Freud revenait en ce début de XXIème siècle, il découvrirait une société réduite à des rêves consuméristes sans utopie ni projet.»

 
ephemere-couvJe tricote un roman depuis plus de trois ans, en y associant, pendant une année, un peintre cubain pour un roman graphique qui veut être un livre à lire mais aussi à voir.* J’ai mis en scène «Histoire d’elles» avec une comédienne cubaine où je tente de mettre en espace un double imaginaire, celui de l’actrice et celui du spectateur. La Compagnie Côté Cour**, pour laquelle je travaille, met en route un processus de création sur l’histoire du théâtre, avec toute une équipe qui se mobilise autour de ce projet. Elle propose en même temps des actions en direction d’un public qui ne va jamais au théâtre.
Je m’interroge. Que signifie cet acharnement à vouloir vivre et faire survivre l’expérience artistique? Loin des cercles de pouvoir politique ou médiatique, artisan de l’écriture, artisan du théâtre, il ne s’agit pas de vouloir apparaître sous les feux des projecteurs pour se réaliser, mais peut-être simplement de se dégager des comportements archaïques, des régressions, des pulsions de mort. Et offrir l’opportunité, modestement, là où je me trouve - Cholet, une petite ville de province - loin des grands messes artistiques, de donner à voir, à écouter des textes de théâtre, à feuilleter un livre qui mêle la passion de la littérature à la passion du beau, de rencontrer autrui pour partager nos efforts de création. Et le proposer pour un jeune public, pour des élèves de collèges et de lycées, pour des apprentis, au plus grand nombre.
Il faut bien des rituels pour organiser l’espace, pour rythmer le temps, pour prendre le temps de l’écoute. Quand l’humain va-t-il abandonner les borborygmes, les cris de haine ou de vengeance ou de peur? Il est nécessaire d’accéder aux langages. Des mots, de l’art. Pour relier ce qu’on ressent, son expérience singulière à l’universel. S’apercevoir qu’on n’est pas seul quelles que soient nos différences ideologiques et culturelles. Se rendre compte que nous sommes le produit d’une fiction, comme chacun d’entre nous. Qu’il est donc inutile de vouloir accuser l’autre de ne pas être identique. Flaubert disait: «Imbéciles: ceux qui ne pensent pas comme moi.»
Tisser des liens entre pratiques professionnelles et amateurs, faire se rencontrer les créateurs révélés et ceux qui ne le sont pas encore, faire en sorte que l’activité artistique et l’expérience de la création ne soient plus réservées à la poignée de ceux qui en connaissent les rites, les codes et les réseaux. Et de répondre à la question que posait Freud:
«La question décisive pour le destin de l’espèce humaine me semble être de savoir si et dans quelle mesure son développement culturel réussira à se rendre maître de la perturbation apportée par la vie en commun par l’humaine pulsion d’agression et d’auto-anéantissement».

*à paraître aux éditions ÉLAN SUD en septembre.
** Compagnie de théâtre professionnelle à Cholet.

 

Images :

1 : TOURMENTE 5 juillet, 2006 par fdpp (cliquer ici)

2 : Couverture de "L'éphémère a un goût de cacahuète" de Maurice Lévêque (cliquer ici), à paraître chez Elan Sud en septembre 2011 

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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 12:10

DE LISBONNE À PORT-AU-PRINCE

 

         Comment ne pas penser en découvrant les rares images de la destruction de Port-au-Prince, ses habitants hagards errant dans les rues, les morts abandonnés sur les trottoirs, l’absence totale de secours faute d’existence d’un état, au Poème sur le désastre de Lisbonne, ou examen de cet axiome “Tout est bien” écrit par Voltaire. Le 1er novembre 1755 Lisbonne qui comptait 250 000 habitants est presque entièrement détruite par 3 secousses telluriques et plusieurs raz de marée. On compte alors entre 25 000 et 60 000 morts. La comparaison avec Haïti, la moitié d’île abandonnée des dieux, est bien sûr hasardeuse, mais le poème de Voltaire écrit dans la tristesse et l’effroi reste brûlant d’actualité et d’émotion. Capitale de la douleur d’un pays exsangue, Port-au-Prince va devenir pour quelque temps la proie des journalistes et des aides internationales dans une surenchère obscène de celui qui mettra le plus de millions de dollars sur la table de la misère. Puis viendra le temps de l’oubli ou celui d’un autre drame, et on ne parlera plus d’Haïti chérie qu’avec la compassion face à  l’impuissance.

 

Maurice Lévêque


Poème sur le désastre de Lisbonne (1756)

 

Ô malheureux mortes ! O terre déplorable !

O de tous les mortels assemblage effroyable !

D’inutiles douleurs éternel entretien !

Philosophes trompés qui criez : « tout est bien »

Accourez, contemplez ces ruines affreuses

Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,

Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,

Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;

Cent mille infortunés que la terre dévore

Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,

Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours

Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours !

Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,

Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,

Direz-vous : « C’est l’effet des éternelles lois

Qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix » ?

Direz-vous en voyant cet amas de victimes :

« Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes » ?

Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants

Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?

Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices

Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ?

Lisbonne est abîmée , et l’on danse à Paris.

Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,

De vos frères mourants contemplant les naufrages,

Vous recherchez en paix les causes des orages :

Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups,

Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.
Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes

Ma plainte est innocente et mes cris légitimes. (...)

Que peut donc de l’esprit la plus vaste étendue ?

Rien ; le livre du sort se ferme à notre vue.

L’homme, étranger à soi, de l’homme est ignoré.

Que suis-je, où suis-je, où vais-je, et d’où je suis tiré ?

 

 

 

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8 décembre 2009 2 08 /12 /décembre /2009 07:34
12 LE THÉÂTRE À CUBA (suite)
Depuis plusieurs semaines, le pays vit une grave crise énergétique qui conduit à des consignes sévères d’économie dans toutes les entreprises et institutions. Ainsi les deux principaux théâtres de Santiago sont fermés faute de « fluido electrico » , un autre l’est parce qu’un compresseur d’air conditionné est en panne et qu’il n’existe pas ce modèle dans le pays, les autres attendent une installation des projecteurs qui doit venir de La Havane. Les cinq compagnies professionnelles se trouvent ainsi sans possibilité de présenter leur travail.
C’est ainsi que nous venons de présenter la nouvelle création du Teatro Caliban « Direccion Gritadero » d’après Guy Foissy, sur la scène des jardins de l’Alliance française lors de trois soirées les Jeudi, vendredi et samedi 3,4,5 décembre. Ce fut l’occasion pour moi de fêter ma trente sixième mise en scène.
La pièce présentée offre une particulière résonance à Cuba, non seulement parce qu’elle évoque un problème de transport, mais parce qu’elle décrit un quotidien d’une société imaginaire où il est interdit de crier tant dans les lieux publics que chez soi. Face à la répression, l’insolite surgit, la fuite dans l’imaginaire devient le moyen de se préserver. J’ai utilisé le nez en bois pour accentuer le burlesque, avec une mécanique de précision dans la gestuelle qui renvoie à une vie routinière. Le comique recouvre sa fonction première, rire de soi-même, définition de l’humour.
Devant l’enthousiasme du public à l’issue des représentations, la pièce devrait avoir une longue vie à Cuba. Elle sera présente au prochain festival « Mascaras de Caoba » à Santiago de Cuba. Nul doute qu’elle pourrait faire l’objet d’une tournée dans les Alliances ou dans des pays de langue espagnole. Mais les conditions d’un voyage (à l’extérieur comme à l’intérieur) sont très particulières dans un pays comme Cuba.
Maurice Lévêque.

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7 novembre 2009 6 07 /11 /novembre /2009 17:39
Je lis dans Marianne la définition du lauréat du prix intitulé “Loin du marketing” par Gérard Lambert-Ullmann, responsable de la librairie “Voix au chapitre” à Saint Nazaire (44):
  “Un écrivain dont les éditeurs n’ont pas les moyens de se payer placards en chêne dans la presse pipeule, attachées de presse aux jolies menottes, cocktails aux tams-tams et dîners de connivence, renvois d’ascenseurs et de monte-charge (...) et qui ne peut compter que sur la qualité de ses écrits pour qu’on s’y intéresse.”

Le prix a couronné cette année Lionel Bourg.
Je ne le connaissais pas et je n’aurais pas eu ne serait-ce que l’occasion de me pencher sur son oeuvre sans cette note de bas de page parue dans la revue. Son écriture ne doit être connue que d’une poignée de fidèles. Désormais, le nom me permet d’aller sur internet, de commander ses livres sur les sites de la FNAC ou Amazone. Il est sorti de l’anonymat ou de la confidentialité. Réussite donc de ce marketing anti marketing. Mais il faut une pierre au levier pour soulever le monde. Il faut une accroche médiatique pour se faire connaître du monde. Peut-on compter seulement sur ses lecteurs pour un bouche à oreille qui peu à peu augmente les ventes de son roman ? On prête un livre qu’on a aimé, parfois on l’offre...

  Alain Finkielkraut dans “Un coeur intelligent” écrit: “La lecture demande du temps et réclame le silence. Aujourd’hui, la durée et le silence sont exposés à toutes les menaces. Le bruit règne et dans le monde de l’immédiateté, de l’Iphone et du MP3, la lecture se sent de plus en plus étrangère”. Il faudrait ajouter l’auteur qui se sent de plus en plus inutile. On écrit pour échapper à la solitude, pour oublier la mort, pour découvrir d’autres horizons, avec l’espoir de partager sa solitude avec un lecteur, de faire oublier sa finitude avec un lecteur, d’élargir l’horizon d’un lecteur.

Le projet actuel de publication d’un roman illustré par des dessins veut sans aucun doute à contre courant imposer le concret et la matière d’un livre qui ne peut être numérisé. Une manière de dire non à la “merdonité” dont parle Kundera.

ML

 
 Maurice Lévêque
 Santiago de Cuba
Blog perso
Chez Elan Sud

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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 08:30
Depuis trois ans à Santiago de Cuba, je travaille comme « metteur en scène invité » avec des compagnies professionnelles de théâtre de la ville. Avec la Cie « Gestus », j’ai produit et présenté « Estaba en mi casa esperando la lluvia » de JL Lagarce, avec la Cie Caliban, « A puerta cerrada » de Jean Paul Sartre. Je prépare actuellement une adaptation de Guy Foissy « Direccion Gritadero » avec cette même troupe, qui sera suivi de deux monologues : « Historias de ellas » où l’artiste interprète cinq personnages féminins et « Carta de amor » d’Arrabal.

Cette expérience est particulièrement enrichissante et passionnante. Elle me permet de côtoyer une réalité très éloignée de la situation du théâtre professionnel français. Directeur d’une compagnie professionnelle pendant 7 ans en France « Le Ka-théâtre », je m’épuisai à trouver les financements des créations,  (« La femme des sables », « Un sang d’encre », « Cache-cage », « Thérèse en mille morceaux »,  « Pierre, nous te fendrons le roc... », « L’architecte et l’empereur d’Assyrie »), à rédiger des dossiers de subventions, à obtenir les droits, à payer la SACEM, les loueurs de salle d’Avignon, payer les cachets, l’URSSAF, l’ASSEDIC, les Congés spectacles, AGAPE, etc...

À Cuba, point de droits d’auteur, pas d’intermittents mais des comédiens et techniciens mensualisés dans chaque compagnie autorisée (5 sur Santiago), des obligations de création (une par an minimum) et de représentations, des évaluations régulières des artistes et du travail des compagnies. La situation n’est pas aussi idyllique que cette présentation pourrait faire accroire, même si les artistes au regard des salaires sont privilégiés (3 niveaux de 300 pesos à 600 environ soit 10€ à 25€ mensuel, équivalent d’un salaire de médecin en fin de carrière) parce que les répétitions se font dans des espaces où les conditions matérielles de travail sont très dures (chaleur, pas de sanitaires ni douches, pas de scène), parce que les transports sont une lutte sans fin, etc... Mais la motivation est très grande dans la mesure où on peut apporter de la nouveauté à un théâtre qui se reproduit à l’identique et où il n’existe pas de sang neuf pour bousculer les habitudes. Chaque compagnie est en effet dirigée par un Directeur tout puissant et dans la plupart des cas en place depuis de nombreuses années. Mais ceci n’est pas un phénomène propre à Cuba. On ne voit guère émerger par exemple en Avignon de nouveaux et jeunes metteurs en scène. Tous les comédiens ont reçu une solide formation théorique et ont presque tous un niveau d’études licence et maîtrise. Ils rêvent de tournées dans le pays (ou à l’étranger) qui sont de plus en plus rares faute de moyens financiers.


  Mais ils gardent une joie de jouer et de travailler qui fait le bonheur d’un metteur en scène dont l’unique souci est la création. Et dans la mesure où j’ai toujours dû veiller à limiter les coûts de production, le « théâtre pauvre » par obligation de Cuba ne me dépayse guère.

  Je parlerai prochainement des étapes des répétitions de « Direccion Gritadero ».



À bientôt.
Maurice Lévêque

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26 septembre 2009 6 26 /09 /septembre /2009 05:37
Je travaille depuis près de 4 ans maintenant sur un roman qui a changé de titre au cours de son écriture mais qui devrait s’appeler "L’éphémère a un goût de cacahuète". Je crois en être à la huitième version, appelée "L’ultime" sur mon fichier d’ordinateur mais qui connaîtra sans aucun doute d’autres modifications. Ce roman a tout connu, l’écriture en 3ème personne, en première, les coupes au sabre, les réécritures, les suppressions de chapitres, de paragraphes, les rajouts. Un travail d’artisan besogneux face à une éditrice exigeante ne tolérant pas les imperfections que l’auteur est le dernier à pouvoir entrevoir tant il s’étonne souvent, aveuglé par son ego, d’avoir pondu un tel bel oeuf.

Pour corser l’aventure de cette édition, j’ai rencontré un peintre et plasticien cubain Dennis Gallardo Castro, qui est devenu un ami. J’aime particulièrement ses oeuvres qui mêlent symbolisme et figuration dans un univers onirique sur le thème de la fragilité des civilisations. Étudiant de français de l’Alliance française de Santiago de Cuba, il a participé avec l’aide de son professeur à la traduction en espagnol de quelques passages de mon dernier roman "La Sentinelle" paru chez ELAN SUD. Et il a donné ses impressions (en français) sur l’œuvre d’une manière très émouvante à l’occasion de la présentation de mon livre à l’Alliance.

Au cours de nombreux échanges sur nos univers imaginaires respectifs, j’ai évoqué les thèmes du roman que je venais de terminer : "L’éphémère a un goût de cacahuète" : rencontre de l’autre dans le voyage, signification de l’expatriation, ravages du tourisme de masse, réflexions sur le couple et l’érotisme, implication du passé dans les sensations présentes, analyses  et chocs parfois de cultures différentes, évocations de plusieurs pays (Inde, Pakistan, Haïti, Afrique, Cuba, Mexique...). Devant son intérêt, je lui ai confié le tapuscrit. Trois semaines plus tard, Dennis Gallardo Castro me demandait l’autorisation de mettre en oeuvre une vision graphique du roman tant il trouvait dans l’écriture une source d’inspiration.

Le projet de roman graphique était né.


ROMAN GRAPHIQUE : DES REGARDS CROISÉS

Dans une première phase, j’ai proposé de rédiger un scénario puis un story board pour la réalisation d’une Bande dessinée à partir du roman. Sur cette base Dennis Gallardo Castro a réalisé quelques planches correspondant au scénario. La qualité picturale des dessins, la richesse de l’invention graphique pour rendre compte symboliquement des analyses du roman ont alors très vite orienté la démarche artistique vers un roman graphique, un roman illustré qui préservait à la fois les qualités littéraires du roman et les qualités plastiques des dessins. Les deux approches littéraires et graphiques se nourrissent en effet l’une l’autre. Le texte avait fait surgir un graphisme symbolique d’une grande force suggestive. Et le dessin provoqua à son tour une simplification de mon écriture. Le tressage texte-dessin aboutit à une oeuvre totalement originale.

Se pose alors le coût d’une telle édition, 130 pages en quadrichromie, papier et format BD, une énorme prise de risque pour une petite maison d’édition indépendante qui a le courage de défendre la littérature et la fiction.

Commence une autre aventure, et un autre chapitre d’une histoire...

À bientôt

Maurice Lévêque

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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 14:53
Pour vivre, il est nécessaire d’éprouver des sensations (et les renouveler sinon elles deviennent des habitudes).
Après une analyse anthropologique succinte et réductrice, je considère que l’on trouve deux catégories d’individus, les "pantoufles" et "les nomades", ceux qui se shootent à la tranquillité et ceux qui se shootent à l’adrénaline de l’inconnu, qui tracent leur sillon jusqu’au bout et avec courage et ceux qui s’amusent à effacer leurs traces en multipliant les aventures. Ceux qui cultivent leur jardin et ceux qui ont des fourmis dans les jambes. À cette aune, j’appartiens indiscutablement à la seconde espèce, les nomades qui ne peuvent rester trop longtemps dans un même lieu, une même activité. Bâtir puis s’en aller. Et si l’écriture et le théâtre restent des constantes dans ma vie, c’est sans aucun doute parce que ces deux activités vous mettent en danger à chaque fois, et qu’il est impossible d’en épuiser les souffrances et les joies. Parce que pour le reste, je note une grande instabilité dans mes actions. Qu’on en juge plutôt. (Aïe ! Aïe ! Aïe !) Ces chroniques deviendraient-elles une auto-analyse ?)


Des études de philosophie qu’ON me déconseillait fermement ce qui par esprit de contradiction me fit m’y engager (parce que déjà il fallait des débouchés, ce qui montre que les études ont beaucoup à voir avec le Destop, éviter les filières encombrées !!!). Quelques années comme entraîneur de natation suite à quelques dispositions nautiques qui me firent devenir un éphémère champion du Maine et Loire. Précurseur dans ce domaine de la formation de bébés nageurs, ces petits têtards instinctifs, puis de la natation en maternelle vécue non comme une pépinière de champions mais comme une relation de plaisir dans la motricité avec l’eau, je me fis rapidement doubler par des professeurs d’EPS de l’Ensep qui pouvaient affirmer leur compétence d’experts diplômés. Professeur de psycho-pédagogie dans les défuntes Ecoles Normales, je m’intéressais à l’enseignement des mathématiques et à ce syndrome d’échec qui traumatise des générations d’élèves rebutés par la logique et les concepts. La mode était à l’expression corporelle, je tâtais donc de la danse avec les Ballets modernes de Paris de Françoise et Dominique Dupuy pour y trouver une véritable pédagogie du mouvement. Mais je n’avais pas la grâce et la souplesse du danseur et Pina Bausch n’avait pas encore créé sa troupe en engageant des corps qui s’éloignaient des canons habituels, je m’orientais donc vers le théâtre qui évitait la frustration d’un artiste coupé de ses cordes vocales. (J’ai du mal avec le mime qui fait de gros efforts pour nous montrer ce que tout le monde peut voir) Je créais une compagnie à Segré qui se spécialisait dans un théâtre expérimental qui laissait le public de la salle du Foyer laïque où nous sévissions totalement hagard à la fin des représentations. Mais ce fut le temps de mes premières adaptations et écritures avec notamment un "Zarathoustra ou le Temps du mépris" qui mêlait les écrits de Nietzsche au "Do it" du révolutionnaire Jerry Rubin, tombé bien bas en devenant depuis animateur de séances de développement personnel....

Puis ce fut l’Inde, la Côte d’Ivoire, Haïti, le Pakistan, le Mexique, Institut français, Alliances françaises, lycées français et partout le théâtre à plein régime. En 1990, j’avais pu déjà vérifier la toute puissance de la médiatisation. Ma pièce, "Rimbaud, nègre blanc", jouée au "Moulin à paroles" devenu "Petit chien" (!) lors du OFF d’Avignon, que j’avais mise en scène avec une troupe de comédiens, danseurs et musiciens africains, ivoiriens, maliens et burkinabés, avec le griot vedette Adama Dramé, connut un succès foudroyant grâce à un article d’Olivier Schmitt du Monde dès le troisième jour. Moment émouvant de se voir obligé de refuser du public pour cause de salle pleine. Mais il est vrai qu’à cette époque nous n’étions que 300 compagnies.

Avec le théâtre ce furent donc les joies et les peines de la création, avec des fortunes diverses : 4 autres pièces présentées en Avignon : celles dont j’étais l’auteur ("Un sang d’encre", "Cache-Cage"), l’adaptateur ("La femme des sables" d’après le roman d’Abé Kôbô, "Thérèse en mille morceaux" d’après le roman de Lyonel Trouillot), l’acteur ("L’architecte et l’empereur d’Assyrie" de Arrabal). Et des moments de joie pure avec "Les fous de St antoine" adaptation du roman de l’auteur haïtien Lyonel Trouillot, ou la création d’un spectacle mêlant poésie, piano et danse autour de poèmes de René Char. Dans ce dernier cas, un accueil chaleureux du public brisé par l’interdiction de Gallimard et de la veuve du grand homme d’accorder les droits (il doit se retourner dans sa tombe lui qui ne se sentait bien qu’avec les humbles) faute d’appartenir à la catégorie hors classe des artistes de la jet-set.

En transformant une usine désaffectée en salle de spectacle pour en faire une Maison des cultures actuelles à Châteauneuf de Gadagne (800 habitants) appelée Akwaba ("Bonne arrivée" en baoulé, langue d’Afrique de l’Ouest), il s’agissait moins d’en finir avec l’errance que de se forcer à dépasser ses limites. Mais quoi ! En plein pays félibrige, nourri au provençal et étouffé par les traditions, installer un espace dédié aux jeunes talents, à la musique electro ("ils font des râves, peuchère et de la musique de nègres"), aux tendances plastiques de la rue, ajouter un lieu mélangeant concerts de musiques actuelles et théâtre, et cinéma, et danse contemporaine, cela frisait la provocation. Et le chœur des "installés" se gaussa de ces "théâtreux", enseignants de surcroît, qui devenaient des concurrents, qui allaient vouloir une partie du gâteau (les subventions) qui n’est pas extensible et grignoter la leur.

Ainsi va le monde de la société du spectacle. Ainsi perdurent les rentes de situation des premiers arrivés, ainsi gagnent souvent les pantoufles. Il était temps de partir. Mais l’esprit d’Akwaba continue sans ses fondateurs, avec la fougue de plus jeunes, ce qui est la plus belle des reconnaissances.

Et me voici à Cuba depuis trois ans. J’y écris, j’y mets en scène avec d’autres amoureux de la vie, d’autres passionnés de théâtre, de danse, de musique, de peinture et de littérature, dans un pays où on a gardé, malgré les conditions de vie difficiles, la joie du partage et la générosité de l’accueil. Mais c’est une autre histoire...

À bientôt.
Maurice LÉVÊQUE


Photo : © Dominique LIN

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7 septembre 2009 1 07 /09 /septembre /2009 15:54
Dans ce travail d’analyse des soucis de l’auteur, je me suis souvenu de mes rencontres avec des écrivains ayant acquis cette notoriété après laquelle chacun court pour trouver reconnaissance et lecteurs, lors de mon séjour à Pondichery entre 1980 et 1986. Pondy, ancien comptoir français des Indes chante dans les mémoires d’une génération qui a appris l’histoire (Pondichery, Cochin, Yanaon, Chandernagor). La ville voit défiler régulièrement les journalistes et écrivains en mal d’exotisme ou d’histoires à raconter.
J’ai pu ainsi côtoyer Paula Jacques, Pascal Bruckner, Jean Lacouture et Michel Tournier. J’ai conduit l’académicien Goncourt sur les routes du Tamil Nadu pour lui faire découvrir les temples dravidiens. J’avais même confié un de mes manuscrits (médiocre je dois l’avouer) à certains pour solliciter leur avis. J’ai retenu quelques uns de leurs propos qui se résument à un théorème : sans être journaliste, parisien, avoir moins de trente ans, être d’une ambition monomaniaque, convaincu de son génie, il est impossible de publier un premier roman. Et c’est ainsi que j’ai publié beaucoup plus tard "Chakrouni", à compte d’auteur, publié et répertorié pour l’anecdote au Pakistan où je me trouvais alors avec un numéro ISBN de la BN d’Islamabad (!) puis "Amaurote". Il m’a fallu attendre plus de vingt ans pour trouver l’éditrice qui ignorera tous ces critères pour publier "La Sentinelle".
Pas journaliste, pas parisien, beaucoup plus de trente balais, aucunement monomaniaque mais plutôt dilettante, avec l’ambition du travail bien fait et la conscience de ma médiocrité, seule attitude permettant de continuer à apprendre et à devenir un petit peu meilleur.
"Musarder, c’est ce qu’il fit" c’est ce qu’on inscrira sur ma tombe, "guidé par sa Muse et ses passions".

Je reviendrais sur cette errance dans un prochain article.
À bientôt.

Maurice LÉVÊQUE


MUSARDER : se laisser conduire par sa muse (dico personnel)

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29 août 2009 6 29 /08 /août /2009 18:11

Le monde des lettres est un parcours d’obstacles.
Écrire d’abord avec sa propre ironie, voire ses sarcasmes sur cette prétention à produire un texte original, alors que tout a été dit, écrit, et qui possède des qualités poétiques et littéraires pouvant rivaliser avec les meilleurs. Heureusement l’artisan écrivain que je suis est un lecteur forcené qui peut vérifier que dans le lot de ses découvertes les perles sont rares. C’est donc un encouragement à poursuivre.

Etre édité ensuite. Les tapuscrits renvoyés (désormais mis au pilon si vous n’envoyez pas les timbres de retour) et les lettres des maisons d’édition manifestant leur intérêt pour votre œuvre qui ne s’inscrit pas malheureusement dans la politique éditoriale, sont autant de pavés jetés dans votre mare pour éclabousser votre ego.
Trouver une audience enfin. Les services presse adressés aux revues, aux périodiques, aux radios et télévisions restent sans réponse. Normal puisque la « pipeulisation* » (horrible mot qui ne signifie pas transformer en Peul, tribu africaine d’hommes et de femmes d’une grande beauté qui ne méritent pas qu’on les traite aussi mal !!!) mais phénomène de société qui n’accorde de prix qu’à celles et ceux qui passent sur toutes les radios et chaînes TV, qui connaissent donc la notoriété. Pourquoi donc parler de Maurice Lévêque alors qu’on n’a pas eu le temps de lire ce livre qui gît dans une pile parmi d’autres anonymes ? Mais quoi ! Guy Bedos vient de publier un roman. Vite ! Vite ! Il faut tout de suite l’inviter au « Fou du roi » , quel symbole !
Je garde à l’esprit Patrick Modiano, dont j’aime l’écriture, tenter péniblement de parler de son dernier roman à la télévision. Timide, maladroit, bafouilleur, hésitant parce qu’il cherche le mot juste, il ne « PASSE » pas à la télévision. C’est bien cela : Il ne passe pas bien. La télévision est un tamis inversé. Ses mailles laissent passer les plus grossiers et interdisent les plus fins.

À bientôt.

Maurice Lévêque
*La pipeulisation : attention à ne pas confondre.
Une tribu aux apparences primaires est dotée d'une richesse d'âme et de culture.
L'autre est en voie de paupérisation extrême, non pas en euros ou en dolars,
mais en capacité à transettre toute forme d'intelligence… (Dominique)
    

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25 août 2009 2 25 /08 /août /2009 05:40
L’écrivain inconnu (méconnu) dans un salon ou dans une librairie vit l’expérience de la solitude du coureur de fond ou celle du gardien de but. L’exercice est difficile. Sourire mais sans insister de peur d’être racoleur, regarder mais sans insister de peur d’être arrogant, dire bonjour mais par politesse et non par intérêt, bref la posture du cow-boy qui jette un lasso pour agripper sa proie ou pour poursuivre dans la métaphore tenter de ne pas effrayer le chaland par une invite qui vous fait penser à la courtisane dans une devanture d’Amsterdam.
Parce que l’objectif est là. Faire prendre votre « œuvre » dans la menotte d’un passant, l’inciter à lire la dernière de couverture où figure le résumé, et lui parler de vos mérites. Une opération commerciale donc pour un produit qui n’a pas grand chose à voir avec un épluche patates fut-il sophistiqué.
Un couple s’est arrêté. Ils m’expliquent qu’ils n’osaient pas s’approcher de peur de ne pas oser refuser le livre si le sujet ne leur plaisait pas. Je les rassure. Les visiteurs effleurent le livre ou ma présence du bout des yeux de peur d’accrocher.
C’est ainsi une occasion de grande humilité. Parce qu’au regard des colonnes de bouquin qui s’exposent sur chaque table ou les rangées énormes de livres au garde-à-vous sur les rayonnages, vous vous apercevez très clairement qu’il n’y a vraiment aucune raison de venir vers vous et de vous acheter votre roman. Au milieu de ces milliers de livres, votre petit ouvrage se ratatine, devient couleur de la nappe, et l’auteur se sent insignifiant ce qui est le comble pour quelqu’un qui aligne des signes sur la page blanche.
Quel intérêt d’avoir la signature d’un écrivain inconnu ?
Il me prend alors un désir fou d’être ailleurs, loin, seul.
Une journaliste m’interroge. Elle aime les livres, me conte son dégoût de voir la queue pour Musso et dix personnes pour Sepulveda. Cela me réconforte au fond, le succès n’est pas le signe du talent. Mais l’insuccès non plus. Ne nous trouvons pas d’excuses du côté des poètes maudits.
Une lectrice s’arrête, feuillette quelques pages et me sourit. Cela suffit pour que je sente à nouveau le goût, le besoin du partage. Je dis lectrice, ce pourrait être aussi bien un lecteur, mais ce sont les femmes qui constituent l’essentiel du public des salons.

À bientôt

Maurice Lévêque

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