17 janvier 2008
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À la lecture de cet article du Magazine littéraire (n°466 - Juillet-Août 2007), je n’ai pu m’empêcher de vous le dévoiler à nouveau, car je pense qu’il est une source de réflexions inépuisables sur notre monde.
J'attends vos réflexions sur le sujet …
J'attends vos réflexions sur le sujet …
Corinne Lin-Niederhoffer
La bêtise, ce monstre insaisissable qui hante la conscience inquiète, furibonde ou goguenarde des plus grands auteurs depuis l’aube des Temps modernes et l’invention de l’Histoire. Dire ce qu’elle est, ou ce qu’elle n’est pas, du haut d’une illusoire supériorité, serait odieux et… particulièrement stupide. Nous avons plutôt cherché comment cette hydre aux mille têtes, dont Flaubert fit son grand sujet, aiguise la plume et quelquefois engloutit corps et âme les auteurs et les penseurs les plus estimables. Comment ce défaut de l’esprit, qui n’est pas toujours le contraire de l’intelligence, habille les formes les plus caricaturales de l’idéologie, pétrifie la pensée en formes creuses pour faire de l’Histoire une farce tragique. Quand l’esprit en quête de certitudes ou d’idéal tombe dans l’automatisme du cliché et du langage, la bêtise n’est jamais très loin. De Voltaire à Raymond Aron, de Feydeau à Umberto Eco, les écrivains ont puisé à pleines mains dans cette matière inépuisable, parfois drôle, toujours désespérante. Dans un monde déserté par les dieux, c’est peut-être le sentiment de la bêtise qui a remplacé le tragique. "
Un spectre hante la conscience moderne, la bêtise. Le mot, attesté au Moyen Âge, disparaît en tant que tel à l’âge classique pour resurgir au XVIIIe siècle, sous la plume de Diderot. Bêtise, sottise, crétinerie, connerie. La bêtise remonte à la plus haute antiquité, sans doute, comme eût dit Alexandre Vialatte, mais quiconque tente aujourd’hui encore d’enfermer la bête immonde en un concept opératoire, sinon définitif, se casse les dents. En témoigne, récemment, Stupidity, un essai de la philosophe américaine post-derridienne Avital Ronell, qui de déconstructions en références tournoyantes, semble mordiller les mollets de son sujet sans jamais lui régler son compte. Mais peut-il en être autrement ? Oui, la bêtise est un monstre moderne, rusé, qui résiste à toute forme de théorisation, même si les meilleurs qui s’y sont essayés, à l’instar de Robert Musil, doivent rendre les armes : « C’est que j’ignore ce qu’elle est, note-t-il non sans ironie. Je n’ai pas découvert de théorie de la bêtise à l’aide de laquelle je pourrais entreprendre de sauver le monde. » Un monstre multiforme, réversible, insaisissable, d’une infinie plasticité, tout étant relatif et réciproquement. Un monstre aussi résistant qu’un virus, et dont le vaccin reste à ce jour inconnu. Pas un écrivain, pas un penseur digne de ce nom qui, depuis l’aube des Temps modernes, n’ait éprouvé la nécessité de se confronter à cette Chose, aussi terrifiante, obsédante et grand-guignolesque que la pieuvre du capitaine Nemo.
Un spectre hante la conscience moderne, la bêtise. Le mot, attesté au Moyen Âge, disparaît en tant que tel à l’âge classique pour resurgir au XVIIIe siècle, sous la plume de Diderot. Bêtise, sottise, crétinerie, connerie. La bêtise remonte à la plus haute antiquité, sans doute, comme eût dit Alexandre Vialatte, mais quiconque tente aujourd’hui encore d’enfermer la bête immonde en un concept opératoire, sinon définitif, se casse les dents. En témoigne, récemment, Stupidity, un essai de la philosophe américaine post-derridienne Avital Ronell, qui de déconstructions en références tournoyantes, semble mordiller les mollets de son sujet sans jamais lui régler son compte. Mais peut-il en être autrement ? Oui, la bêtise est un monstre moderne, rusé, qui résiste à toute forme de théorisation, même si les meilleurs qui s’y sont essayés, à l’instar de Robert Musil, doivent rendre les armes : « C’est que j’ignore ce qu’elle est, note-t-il non sans ironie. Je n’ai pas découvert de théorie de la bêtise à l’aide de laquelle je pourrais entreprendre de sauver le monde. » Un monstre multiforme, réversible, insaisissable, d’une infinie plasticité, tout étant relatif et réciproquement. Un monstre aussi résistant qu’un virus, et dont le vaccin reste à ce jour inconnu. Pas un écrivain, pas un penseur digne de ce nom qui, depuis l’aube des Temps modernes, n’ait éprouvé la nécessité de se confronter à cette Chose, aussi terrifiante, obsédante et grand-guignolesque que la pieuvre du capitaine Nemo.
Bernard Fauconnier